L'interlingua, triomphe de la linguistique moderne
INTERLINGUA -
TRIOMPHE DE LA LINGUISTIQUE MODERNE
R. JACOBS,
Federation interlinguiste del R.P.
Contre-Courant, le
périodique de la question sociale, 16 année, No. 149, L’ex. un franc, 20 mai
1967.
Peu de gens ont
réfléchi à l’énorme simplification que constituerait l'adoption d'une langue internationale. Toutes les relations, depuis celle du touriste avec son
hôtelier jusqu'à celles du chercheur spécialisé avec ses pairs, en passant par
celles du client avec l'industriel ou le cultivateur qui le ravitaille,
seraient bouleversées. Les travailleurs, qui pourraient se comprendre en
passant d’un pays à l'autre, pourraient mieux se défendre contre l’exploitation
capitaliste et la transmission, sans barrières de l'information mettrait fin
aux préjugés et aux mensonges, causes premières des guerres.
Depuis cent ans, de
hardis pionniers se sont attelés à la tâche exaltante de doter l’humanité d’une
langue digne de sa culture et de son idéal. Mais sans doute avaient-ils trop
présumé de leurs forces ou sous-estimé l‘énormité du travail à accomplir; car
aucun des nombreux projets, présentés jusqu’ici au public, n’a reçu l'accueil
espéré. Examinons le cas du plus célèbre d’entre eux: l’espéranto
Par une singulière
inconséquence, son auteur a introduit dans son alphabet des lettres accentuées
introuvables dans les imprimeries! À ce vice fondamental du système s’ajoutent
une grammaire aux formes archaïques et compliquées et surtout un vocabulaire
très restreint (700 racines) et puisé au hasard dans les principales langues
européennes. Rien d’étonnant alors que, malgré le dévouement des espérantistes,
la langue recule ou végète (100.000 adhérents en 1905, 40.000 aujourd’hui —
d’après Revuo Internacia de Esp.) 1962.
Cependant, d’autres
chercheurs s’orientaient dans une voie différente. Au lieu de vouloir créer de
toutes pièces une nouvelle langue, le célèbre mathématicien italien Peano
partait du latin classique et, par une série de simplifications, arrivait à une
langue très simple, le latino sine flexione ; le chef de la gare centrale de
Vienne, Julius Lott, lui, partait des principales langues européennes pour en
extraire un vocabulaire international, dont il proclamait l’importance.
Or, les deux
langues ainsi obtenues étaient très proches l’une de l’autre, au point qu’un
esprit non prévenu aurait pu les confondre. Nous trouvons ici un des caractères
les plus marquants des langues naturalistes: la convergence des systèmes. À partir du moment où on a compris que la langue internationale n’a pas à être
inventée, mais qu’elle existe en puissance dans les grandes langues de
civilisation, le vocabulaire international devient la base commune solide et
les langues ne diffèrent plus que par des détails.
En 1924, Ia confusion était grande dans les rangs des partisans des langages a priori. De
vives critiques s’élevant contre l’esperanto et plusieurs systèmes, en
particulier l’ido, tentaient de l’améliorer. Une femme, Mme Morris, créa avec
l’aide du chimiste américain Cottrel une organisation chargée de résoudre
scientifiquement le problème. Ce fut I.A.I.A. : International Auxiliary Language Association, aux travaux de laquelle collaborèrent tous les systèmes de
langues auxiliaires. Ceux-ci furent examinés minutieusement par les linguistes internationaux
le plus réputés : en fin en 1951, après vingt-cinq ans de travail, I.A.L.A.
publiait: interlingua. Le système artificiel du type espéranto était abandonné,
et l’école naturaliste se voyait rendre enfin justice. Aucune trace
d‘artificiel en effet ne subsiste en interlingua. Ses dérivés sont parfaitement
naturels, ils existent non seulement dans les sept langues de contrôle (anglais,
francais, espagnol, portugais, italien, russe et allemand), mais encore dans plusieurs
autres langues d’Europe.
Une conséquence
extrêmement importante, c‘est que l'interlingua est comprise à première vue par
toute personne un peu cultivée. Cette compréhension immédiate a provoqué les
premiers succès de l'interlingua. Dès sa parution, une quinzaine de publications
scientifiques américaines s’en emparaient pour leurs résumés de rapports
médicaux. Remarquez que ce sont les savants américains qui ont pris cette
décision, répondant ainsi à ceux qui vont disant : «Inutile d’apprendre une
langue auxiliaire, l’anglais suffit à tout.»
Remarquez aussi
qu’aucune langue artificielle ne peut présenter un succès comparable. Sans
doute certaines ont obtenu des articles scientifiques de sympathisants,
qu'elles ont publiés par leurs propres moyens. Ici il s’agit d’un usage
régulier, depuis plus de quinze ans, par des revues de renommée mondiale
touchant des millions de lecteurs. Cet usage se confirme et s’étend d’ailleurs,
puisque nous comptons aujourd’hui trente-trois revues qui emploient l'interlingua, en dehors des bulletins publiés par les diverses interlinguistes
(une douzaine d’associations nationales, plus les organismes spécialisés,
groupés dans l‘Union mondiale pour l'interlingua.)
L'interlingua
s’appuie sur l’héritage latin subsistant dans nos langes modernes; son
vocabulaire -27.000 mots- est largement suffisant pour servir de langue
véhiculaire à l’Europe nouvelle et même à toute la terre, car la civilisation
occidentale s’est étendue au monde entier. Il n’existe pas de grammaire plus
simple que celle de l’Interlingua débarrassée de toutes les complications
linguistiques dénoncées par le grand linguiste André Meillet.
En étudiant l'interlingua, vous ne risquez pas d‘aborder des notions erronées. Outre le
vocabulaire international, vous vous familiarisez avec les dernières
découvertes de la linguistique. Vous disposez de la langue qui possède le plus
grand coefficient d’accès mondial. Vous pouvez aller dans n’importe quel pays
avec la certitude de vous faire comprendre de médecins, pharmaciens, prêtres,
professeurs, polyglottes et hommes de loi, ce qui est une assurance précieuse
pour qui voyage a l’étranger. En France même vous êtes appelés de plus en plus
à rencontrer des gens ignorant votre langue maternelle et qui seront bien
contents si vous pouvez les renseigner, même s’ils se demandent si c’est du
portugais ou de l‘italien qu’ils ont entendu!
Voici d‘ailleurs un
spécimen qui vous permettra de vous faire une opinion : «Un sonio, vivente in
nostre animas durante multe annos, esseva finalemente realisate : cameradas se
incontra e parla facilemente in interlingua unes a alteres, cognosce
co-idealistas con les que illes ha correspondite, ma que illes non ha vidite
ante. Nos nos incontra in un ambiante fascinante, e nos discute nostre scope
commun, le lingua international, un ponte de amicitate inter le populos del
mondo, e nos mitte le fundamento del progresso e del collaboration futur» P.
Moth (prime congresso de Tours).
Seuls les
espérantistes, fiers de la relative diffusion acquise par quatre-vingts ans
d’efforts, boudent le jugement de I.A.L.A. Ils devraient se souvenir pourtant
des paroles de Zamenhof : «Nous propageons l'espéranto seulement provisoirement; mais quand une autorité internationale aura établi une langue auxiliaire,
nous promettons solennellement de nous rallier sans dispute à cette nouvelle
langue» (Leteroj I).
Alors! camarades
espérantistes, qu’attendez-vous ?
R. JACOBS
Federation
interlinguiste del R.P.
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